Ségur de la santé

LES RECOMMANDATIONS

Lancé le 25 mai 2020 par le Premier ministre, le « Ségur de la santé » a d’abord porté l’empreinte et l’esprit de l’épreuve sanitaire et sociale sans précédent à laquelle notre pays a été confronté au cours du premier semestre de cette année. 

La mobilisation de l’ensemble des acteurs du soin, en ville, à l’hôpital et dans les structures médicosociales a été spectaculaire et à la hauteur de cette situation historique. Saluée à très juste titre par nos concitoyens, cette mobilisation dans l’urgence « pour sauver des vies » a rappelé le sens de l’engagement que les soignants placent au coeur de leur mission. Elle a démontré leur capacité d’initiative collective et d’innovation organisationnelle au bénéfice des patients. 

Elle a mis en lumière la situation des acteurs du soin, leurs attentes légitimes de reconnaissance, de revalorisation matérielle, d’amélioration des conditions d’exercice de leur métier et de leurs aspirations à un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle, personnelle et familiale. 

L’urgence d’engager des transformations en profondeur, de libérer les énergies s’est affirmée avec force, comme la condition du maintien et du développement d’une offre de soins de qualité et accessible à tous. 

Fortement imprégnés par cette séquence inédite que notre pays vient de vivre, les membres du Comité du Ségur ont apporté une participation active, une implication hors norme concourant à nourrir les conclusions et recommandations formulées dans ce rapport. 

Les discussions s’y sont déroulées dans un climat serein, constructif et de grande écoute, à la hauteur des enjeux et de l’espoir suscités par cette opportunité inédite que constituait le « Ségur de la Santé » pour engager la « refondation » de notre système de santé et la valorisation de ceux et celles qui l’incarnent. 

La mission d’animation s’est nourrie des très nombreuses contributions, rencontres et réunions organisées dans des formats variés, pour formuler les recommandations que ce rapport propose au Gouvernement. Par sa disponibilité et son engagement, l’équipe qui m’a accompagnée a permis ce résultat en bonne coopération avec les services et directions du ministère des Solidarités et de la Santé. 4 

Je tiens ici à les en remercier chaleureusement. 

Pour ma part, j’ai acquis trois convictions : 

1. Notre système de santé souffre d’un excès de centralisation des circuits de décisions et d’un cloisonnement trop marqué entre la ville, l’hôpital, le médicosocial ainsi qu’entre professionnels qui entravent la cohérence et la fluidité des parcours de soins. Les professionnels de santé profondément attachés à leur métier ne se reconnaissent plus dans ses conditions d’exercice. Ces deux maux participent de la perte d’attractivité des services de santé. 

2. Le temps d’exécution des décisions prises au niveau national, voire l’inapplication de ces dernières ont entaché la confiance amenant les communautés hospitalière et ambulatoire à douter de la capacité des décideurs politiques à tenir leurs engagements. Déléguer plus et mieux les pouvoirs en contractualisant les objectifs avec et entre les acteurs, consacrer le droit à l’expérimentation, favoriser l’innovation, privilégier le contrôle a posteriori constituent les paradigmes d’une organisation de sortie de crise et de transformation. C’est la voie incontournable de l’efficacité et de la restauration de la confiance. 

3. La fonction publique hospitalière doit résolument et durablement faire de la négociation d’accords nationaux et locaux avec les partenaires sociaux un axe fort pour engager avec succès les mutations prévisibles auxquelles elle sera confrontée. 

Les recommandations que nous proposons, en cohérence avec les promesses faites par le Président de la République et le Ministre des solidarités et de la santé, appellent enfin qu’au-delà de l’impulsion initiale et des décisions que le Gouvernement retiendra, celles-ci s’inscrivent dans un calendrier précis et soient assorties de garanties en termes d’exécution et de suivi dans leur mise en oeuvre. 

Nicole Notat 

LES CONCLUSIONS

Les Français aiment leurs soignants. Chaque soir, pendant deux mois, ils les ont soutenus ; chaque soir, pendant deux mois, des applaudissements ont retenti dans nos villes et dans nos campagnes, pour leur dire la reconnaissance de toute une Nation. Dans les hôpitaux, dans les Ehpad, dans les cabinets et au domicile des malades, des femmes et des hommes ont été en première ligne d’une crise sanitaire qui a très durement frappé la France. Nous leur devons tant.

Sitôt le ralentissement de l’épidémie, nous avons voulu transformer les applaudissements
en engagements et apporter des réponses concrètes à des attentes anciennes. Je connais le dévouement des soignants : leurs métiers sont difficiles, parfois pénibles et le sentiment d’un manque de reconnaissance peut décourager, voire contrarier une vocation. Agir vite et fort, tel a été le souhait du Président de la République, telle a été l’ambition du Ségur de la santé.

Nous avons agi vite, en réunissant pendant 50 jours les représentants de tous ceux qui font vivre notre système de santé. Animée par Nicole Notat, qui connaît la force du dialogue social, une grande concertation a permis d’entendre les propositions, les critiques, les espoirs. Nous avons agi fort, en engageant des sommes historiques, qui transformeront de manière tangible le quotidien des soignants.

La revalorisation des carrières certes, parce que la fiche de paie n’est pas un tabou, mais aussi l’organisation des soins dans les territoires, les études en santé, l’investissement, le numérique en santé, la gouvernance et la participation des soignants aux prises de décision, la lutte contre les inégalités de santé, la psychiatrie, la recherche, mais aussi la santé des personnes âgées et en situation de handicap : autant de questions qui ont été au coeur du Ségur de la santé.

« Les conclusions du Ségur de la santé seront notre boussole pour relever les défis d’une Nation qui conjugue désormais les solidarités et la santé à ses valeurs fondamentales. »

Les conclusions du rapport de Nicole Notat scrutent avec rigueur et ambition un système de santé qui suscite autant la fierté que la crainte de le voir perdre peu à peu son éclat. Elle propose des orientations fortes qui sont des fondations sur lesquelles nous allons bâtir, avec les territoires, la santé de demain. Des fondations qui s’enrichissent de deux accords signés le lundi 13 juillet 2020 avec le Premier ministre et les organisations syndicales représentant les personnels médicaux de l’hôpital public et l’ensemble des professions non-médicales.

Les défis sont nombreux, qui nous appellent à redoubler d’efforts : faire tomber les murs entre l’hôpital, la médecine de ville et les établissements médico-sociaux, lutter avec une énergie nouvelle contre les inégalités de santé, donner plus de voix aux soignants dans la gouvernance des établissements de santé, mieux tenir compte des enjeux environnementaux, mettre le numérique au service de la santé de tous et tout cela dans l’intérêt supérieur des patients et de leur santé.

Les conclusions du Ségur de la santé, qui doivent contribuer à accélérer les transformations engagées par Ma Santé 2022, seront notre boussole pour relever les défis d’une Nation qui conjugue les solidarités et la santé à ses valeurs fondamentales.

Olivier Véran